Le texte reproduit ci-dessous a été envoyé par courrier aux destinataires suivants :
- M. Emmanuel Macron, Président de la République ;
- Mme Élisabeth Borne, Première Ministre ;
- Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée Nationale ;
- M. Gérard Larcher, Président du Sénat ;
- M. Xavier Bertrand, Président de la Région Hauts-de-France ;
- M. Jean-Claude Leroy, Président du Conseil Départemental du Pas-de-Calais ;
- M. Christian Poiret, Président du Conseil départemental du Nord ;
- M. Patrice Vergriete, Président de la Communauté Urbaine de Dunkerque ;
- Mme Bouchart, Présidente de la Communauté d’Agglomération Grand Calais Terres et Mers ;
- M. Joël Duquenoy, Président de la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer ;
- M. André Figoureux, Président de la Communauté de Communes des Hauts de Flandre ;
- Mme Nicole Chevalier, Présidente de la Communauté de Communes de la Région d’Audruicq ;
- M. Ludovic Loquet, Président de la Communauté de Communes Pays d’Opale.
Le polder français des wateringues situé dans le triangle Dunkerque, Calais, Saint-Omer vient d’être frappé par des pluies intenses amenant des inondations d’une ampleur méconnue jusqu’ici. Dans la population, c’est la sidération, l’incompréhension, l’impuissance, la colère.
Déjà dans les années 1970, le système de protection de ce polder s’était avéré insuffisant. Un système de pompage supplémentaire avait du alors être mis en place.
Aujourd’hui, il est de nouveau insuffisant car les problèmes de fond n’ont pas été traités malgré les alertes de nombreuses associations telles la nôtre, restées sans suites.
Aujourd’hui, l’État installe le principal centre industriel de notre région et la population induite dans ce polder soumis aux risques d’inondations : jusqu’à 20 000 emplois et 12 000 logements pour ce centre industriel, la population du territoire des Wateringues devrait croître de 1,4 % d’ici 2030, et de 2,5 %, d’ici 2050 selon la Chambre régionale des comptes. L’État doit de ce fait prendre toutes ses responsabilités en protégeant cette nouvelle population et les biens qui vont s’installer dans ce polder, comme celle et ceux déjà laissés installés dans ce polder.
En aucun cas, le coût colossal des investissements nécessaires à cette protection (le rehaussement et renforcement du système d’endiguement, le renforcement du système d’évacuation à la mer des eaux de ruissellement par exemple) ne pourra être supporté uniquement par les collectivités locales et la population locale à travers les taxes GEMAPI et Wateringues. Ce serait insupportable financièrement pour notre population comme pour l’économie locale.
Notre territoire est l’un des premiers en Europe menacé par les risques liés au dérèglement climatique, la solidarité nationale doit jouer pour la préservation de l’intégrité du territoire, la survie et la protection du polder français des Wateringues. Entre stratégie de reculement, protection des biens et des personnes qu’on installe, les choix doivent être clairs.
Nos voisins et amis néerlandais, sur un territoire comparable, investissent pour la protection de leur population et de leurs biens 1,82 milliard d’euros par an pour la gestion de l’eau. Décliné à l’échelle du polder français des Wateringues ce montant représente près de 80 millions d’euros par an d’investissement qui devraient être consacrés à la gestion de l’eau et des ouvrages de protection de notre territoire pour qu’il soit en sécurité.
Nous en sommes loin : le budget actuel de l’Institution Interdépartementale des Wateringues ne s’élève qu’à 2 millions par an en moyenne, avec un pic de 6 millions en 2022.
En coopération et cofinancement avec l’État, l’Europe et l’ensemble des collectivités locales (région, départements, intercommunalités), l’association 4C demande :
1. Que soit engagé dès maintenant un Plan Delta pour qu’un budget et des équipements comparables à ceux de nos voisins néerlandais soient consacrés à la protection du polder français des Wateringues en harmonisant et limitant les taxes sur la gestion de l’eau et des risques d’inondations, en faisant jouer la solidarité européenne, nationale, régionale et départementale.
2. Que le Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) du Delta de l’Aa, qui date de 2014 et qui n’en finit pas d’être révisé pour répondre aux besoins du territoire, les autres SAGE concernés et les documents stratégiques qu’ils encadrent (SCOT, PLU, etc) deviennent réellement les bras armés de ce Plan Delta pour le polder.
3. Que ce Plan Delta, au titre de la protection due aux citoyen·ne·s, conduise le plus rapidement possible à un grand plan de réhabilitation, d’entretien, de développement de protection des canaux et wateringues, de consolidation et de rehaussement des digues prenant en compte la préservation de l’environnement de notre territoire, la protection du système des wateringues en classant ses ouvrages en tant que système patrimonial et de sécurité à préserver et à développer.
4. Pour se faire, de repenser et moderniser le fonctionnement des sections de wateringues, fonctionnant encore avec des réglementations dépassées ou plus appliquées (1837), en créant un véritable service public des Wateringues, avec les emplois qui vont avec (police des Wateringues chargée également de la police de l’environnement des canaux et watergangs, un service d’entretien et de construction des ouvrages, de lutte contre les rats musqués et de développement de la biodiversité, etc).
5. De permettre au Plan Delta d’agir sur les zones humides, agricoles, naturelles, véritables réservoirs de protection du polder contre les inondations lorsqu’elles ne sont pas imperméabilisées ou compactées, à travers :
- La protection des terres agricoles : ZAP (Zone Agricole Protégée), PEAN (Périmètre de protection des Espaces Agricoles Naturels), en aidant efficacement les agriculteur du polder et de ses bassins versants à faire évoluer leurs méthodes agricoles durables pour dé-compacter les sols, les planter et protéger de ce fait le polder ;
- Le soutien réel et efficace pour une mutation des pratiques agricoles ;
- La sanctuarisation des zones humides existantes et la re-création des zones humides sacrifiées depuis 50 ans ;
- Le choix de l’urbanisation plutôt sur les hauteurs, en dehors du polder en préparant le cas échéant certains secteurs à laisser rentrer la mer, en somme, « dépoldériser » ;
- L’arrêt de l’urbanisation galopante, faire le choix de l’urbanisation en collectif et semi collectif plutôt qu’en individuel, de ré-urbaniser sur l’existant, réhabiliter des friches dans les cœurs de villes et de villages, des logements, des commerces, de densifier les zones bâties, de réhabiliter l’existant en rehaussant, de construire en partageant des parcelles existantes, de réserver les rez-de-chaussée inondables aux parkings, de commencer à bâtir des logements sur l’eau en développant une filière expérimentale ;
- La renaturation du polder en ne détruisant plus d’arbres, en en plantant des milliers, la valorisation de l’eau sur le territoire en en faisant un atout touristique ;
- La mise en place d’un « système redondant », de réseaux EDF et groupes EG, panneaux solaires, éolien, et réseaux EDF pour l’alimentation des pompes, en évitant à travers l’ensemble des politiques décrites ci-dessus qu’elles n’aient à fonctionner et se multiplier de plus en plus, en creusant dès à présent la possibilité d’alimenter les pompes en énergie renouvelable.
Nous avons les moyens d’agir, allons-nous nous contenter de laisser passer l’orage, panser les plaies, pour repartir de plus belle comme avant, avec les mêmes fautes d’aménagement et d’occupation du territoire ?
Ou allons-nous changer de cap en définissant la sécurité du territoire comme première politique régionale, en exigeant l’appui de l’État? Cette catastrophe des inondations entraînera-t-elle des choix politiques forts, en termes de défense du territoire ?
À travers le Plan Delta que nous vous demandons d’engager dès à présent, nous pouvons prendre à bras le corps dès maintenant la question du polder, comme le font déjà depuis longtemps nos voisins belges et néerlandais. C’est une question de survie pour notre territoire de 1000 km² où vivent 450 000 habitant‧e‧s, soit l’équivalent d’un département entier comme la Savoie. La question est à terme de décider par des politiques préventives si nous voulons que nos enfants puissent encore y vivre dans des conditions acceptables.
Alors ? En concertation et coopération avec l’ensemble de la population et des acteurs locaux, pour l’avenir de notre territoire et de sa population, on y réfléchit et on s’y met sérieusement quand ? On engage quand ensemble ce Plan Delta pour la protection du polder français des wateringues ? Seul, on va plus vite pour des solutions provisoires ; ensemble, on va plus loin pour des solutions de long terme. Utilisons donc l’intelligence collective pour protéger ce territoire et ses habitant‧e‧s.
Comptant sur votre engagement pour la préservation de notre environnement, la lutte contre le changement climatique et ses conséquences, la qualité de vie, la sécurité des habitant‧‧es, en attente de vos réponses, à votre disposition pour construire avec vous et l’ensemble des acteurs de ce Plan Delta pour le polder, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Contact : association@calaispourleclimat.fr