Au vu des nombreux événements qui se déroulaient ce samedi 21 septembre, nous nous attendions à être peu nombreux et nombreuses à marcher pour le climat. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions prévu de marcher sur les trottoirs plutôt que de bloquer la circulation. Notre marche relevait surtout du symbolique et permettait de relier trois événements qui avaient lieu dans Calais, et donc relier trois thématiques climat : la journée du réemploi et de la réparation, le forum des associations, et la journée internationale pour la paix. Nous ne pouvons que nous réjouir du succès de ces trois événements qui font vivre notre ville et donc nous contenter de la faible fréquentation de notre action, que nous avions anticipée.
Nous vous proposons de relire ici la retranscription des prises de paroles par des membres du collectif, notamment pour expliciter les liens entre la sauvegarde de la paix et du climat, que certaines instances journalistiques ont apparemment du mal à cerner. La Voix du Nord a vraisemblablement mis son travail d’enquête et d’information de côté à la faveur d’un regard personnel et d’une vision partielle de la manifestation… Dans tous les cas, la marche s’est passée dans la joie et la bonne humeur, et a fini sur une belle convergence des luttes en présence d’autres collectifs de la région. À refaire très vite !
Discours d’accueil devant le Channel
Bonjour à toutes et tous et merci d’avoir répondu à l’appel des Citoyennes et Citoyens de Calais pour le Climat. La marche d’aujourd’hui sera un peu différente de celle du 16 mars dernier. On marchera pour relier entre eux trois événements qui se passent aujourd’hui et dont vous entrevoyez sans doute (on en dira quelques mots à chaque étape) qu’ils sont liés, en tant que solutions ou préoccupation, à la question climatique telle qu’elle se posera de plus en plus.
Cet été aura encore été une illustration de ce qui est en train de se produire partout : ce ne sont pas les événements en eux-mêmes qui sont inhabituels, mais plutôt leur violence et/ou leur durée : incendies, sécheresse, inondations, pluies torrentielles, canicule.
Ces derniers jours encore, un dernier rapport français fait état d’un réchauffement qui pourrait atteindre 7 degrés en 2100 si nous continuons comme ça, mais laisse un espoir de stabilisation (2060) si nous changeons drastiquement.
Une situation d’urgence absolue que beaucoup de gens comprennent sans savoir individuellement quoi ni comment faire pour enrayer ce phénomène dont l’emballement peut devenir incontrôlable bien plus vite qu’on ne le croit. Enfoncé⋅e⋅s dans un mode de vie qu’iels ne voient pas comment modifier, gagné⋅e⋅s par une sensation d’impuissance, iels peuvent retomber dans le déni, l’enfermement sur soi, ou le « après moi le déluge ».
De plus, chaque être humain ne mesure pas encore bien la relation de cause à effet qui existe pourtant entre son comportement quotidien, choisi ou pas, à lui ou elle, simple petite personne sur 7 milliards, et la grande question du climat qui nous est posée. Et en plus, quand on parle d’agir, beaucoup en sont encore à se défausser sur les autres, qui feraient pire qu’elleux.
Il n’y a évidemment pas de solution magique, qui permettrait de changer… sans changer ! Si solution il y a pour nous, elle ne pourra être que collective et solidaire.
On sait tout de même globalement une chose : pour diminuer l’impact sur le climat, il faut produire moins de GES, et ceux qu’on produit, il faut tout faire pour qu’ils puissent se stocker dans des sols vivants, dans les végétaux, les arbres. Cet objectif là, il doit être celui de l’agglomération, pour que Calais fasse enfin sa part alors que depuis des années elle ignore cette question et fait même le contraire. Ce territoire doit avant tout devenir économe : en énergie, en espace, en béton, en déplacements, en terres agricoles.
Les citoyen⋅ne⋅s en ont assez de ces politiques de pseudo développement qui nous mènent dans le mur. C’est pourquoi nous vous proposons dès maintenant de créer collectivement une dynamique citoyenne à Calais autour de la question du climat, liée directement à la question « Quelle ville voulons-nous pour demain? ». Il s’agira de constituer des groupes de réflexion pour :
- échanger les actions que font déjà certain⋅e⋅s individu⋅e⋅s, associations, entreprises. Pour répertorier, les diffuser, les partager.
- mettre en commun aussi les réticences, les peurs, les freins. Pour les dépasser.
- proposer des idées à partir de la ville telle qu’elle est maintenant;
- partager les expériences. Commencer à constituer un grand pôle de formation alimenté par les citoyen⋅ne⋅s, les associations, les entreprises.
Dans l’optique d’agir, d’entraîner, de positiver, de transformer pour aller vers une ville, un territoire qui soit plus vivable, plus solidaire, plus économe aussi tout en s’adaptant à ces grandes mutations climatiques. C’est une véritable révolution qu’il faut enclencher.
Nous invitons donc, ici, et maintenant, toutes celles et tous ceux que cette démarche intéresse, que vous soyez une simple personne, un collectif, une association, une entreprise, à laisser une adresse de courriel pour que nous puissions vous contacter directement sous peu pour les premiers échanges.
Marcher, c’est bien, se réunir et agir, c’est mieux. Il y a urgence. Regardons devant nous. Sachons mettre dès maintenant un peu d’avenir dans notre présent.
Discours sur le parvis de Parc Richelieu
Pourquoi articuler la paix à la sauvegarde du climat?
Commençons par expliciter les liens historiques entre guerre et destruction de l’environnement :
- Les guerres, depuis des siècles, sont responsables de la destruction non seulement des populations mais aussi des paysages et de la nature. Que ce soient les milliers de soldats du Moyen-Âge ou l’artillerie lourde du monde moderne, la guerre ne laisse derrière elle que la mort, la désolation, mais aussi l’appauvrissement des sols et la destruction des ressources, en modifiant profondément les paysages. La guerre pollue, par ses armes chimiques et ses balles perdues.
- Les pesticides et engrais chimiques apparus dans les années 70 et qui nous empoisonnent sont issus de résidus et de sous-produits de l’industrie militaire qui cherchait à l’époque activement un marché auquel les revendre. Ce sont ces produits qui ont permis de développer cette agriculture productiviste et mortifère pour la nature et pour les paysans, que l’on a connu pendant les 30 glorieuses et que les politiques libérales ont toujours encouragé. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été mis en garde par de nombreuses et nombreux écologistes que l’on traitait d’hurluberlus fanatiques. Encore récemment, la jeune Greta Thunberg se faisait insulter de prophétesse apocalyptique par des membres du parti politique Les Républicains.
- Quand on parle de guerre ou de conflit, on parle aussi de conflit social. Les populations les plus touchées par le réchauffement climatique et les pollutions sont largement les plus vulnérables et les plus pauvres du monde, en particulier les femmes et les enfants. Là aussi, les conséquences en terme de santé, d’accès à l’emploi et à la culture alimentent les inégalités sociales donc les conflits sociaux. Nous voyons bien comment l’injustice fiscale a poussé les Gilets Jaunes à rentrer en résistance et à réclamer une fiscalité plus juste et non punitive en terme d’environnement.
La ville de Calais, que certains et certaines disent victime de l’immigration quand d’autres y voient une richesse, prouve à travers sa politique répressive vis-à-vis des exilé⋅e⋅s de la guerre qu’elle n’est pas prête à accepter bientôt un flux d’un autre type, celui des réfugié⋅e⋅s climatiques. Les repoussera-t-elle aussi sévèrement ? Une autre question se pose : face à la montée des eaux, serons-nous nous mêmes victimes du réchauffement climatique ? Deviendrons-nous réfugié⋅e⋅s climatiques ? L’épuisement des ressources dues à la hausse des températures produit d’ores et déjà des guerres et déplace des populations. L’assèchement du lac Tchad amène les habitant⋅e⋅s à se déplacer sur d’autres terres afin de pouvoir trouver de l’eau, qui devient rare, et rentrent en conflit avec d’autres populations qui elles cherchent à défendre leurs territoires. Nous sommes entré⋅e⋅s dans un monde où l’on sera obligé⋅e⋅s de se battre pour avoir accès à l’eau.
L’analyse de ces questions nous conduit à l’évidence : les responsables du réchauffement climatique sont les mêmes que les responsables des guerres. L’exemple le plus typique est Monsanto. Cette firme créée en 1901 produisait des produits chimiques et fut partenaire de l’armée américaine dans l’élaboration de la première bombe atomique. Aujourd’hui, elle s’est recyclée dans l’industrie agro-alimentaire. Le capitalisme patriarcal et libéral détruit la planète autant qu’il détruit l’humanité et ses solidarités. En ce moment même, des forêts millénaires telles l’Amazonie brûlent et laissent des populations indigènes dans une grande détresse, pendant que d’autres se réjouissent de la place laissée à l’agriculture intensive et à un développement économique destiné à s’auto-détruire. Quand le poumon de la Terre sera mort, il sera trop tard pour trouver des solutions.
Voilà pourquoi la climat est un enjeu plus qu’essentiel pour la paix, et que la paix est un enjeu essentiel pour le climat. Nous ne pourrons pas faire face au réchauffement climatique si les rapports sociaux ne sont pas pacifiés, si il n’y a pas de justice sociale, si nous ne sommes pas uni⋅e⋅s face à un système qui nous oppresse. Créons un climat de paix et commençons à notre échelle, en s’engageant individuellement et collectivement, donc politiquement. Les deux sont complémentaires et marchent ensemble.