Plus de 2000 m² de verdure remplacés par des parkings : l’îlot HLM Mallet-Stevens ne deviendra pas un écoquartier !


Photo 1 : Le quartier Mallet-Stevens avant les travaux

Mardi 12 octobre 2021, l’association des Citoyennes et Citoyens du Calaisis pour le Climat a rencontré le directeur de la « performance économique » de Terre d’Opale Habitat (TOH). Cette demande datait de février 2021, suite à l’annonce dans la presse d’une réhabilitation importante de l’îlot Mallet-Stevens. Nous avions voulu en savoir plus sur le niveau d’engagement dans la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique.

Courte présentation de l’organisme. Terre d’Opale Habitat est un bailleur de taille modeste, avec plus de 12 000 logements (7 000 à Calais ?) tout de même. Ce qui implique de nombreux chantiers en cours ou à venir dans le Calaisis.

L’échange a été globalement cordial, un peu plus tendu quand il s’est agi du parking ou de la bétonisation. Les demandes d’associations comme la nôtre ne sont sans doute pas fréquentes.

Les 4C sont pourtant dans leur rôle lorsqu’ils insistent pour que l’on sorte du greenwashing, pour que l’adaptation au changement climatique soit réelle, par une anticipation et une cohérence entre toutes les politiques, dès maintenant et à tous les échelons de l’aménagement de la ville. L’urgence écologique l’exige. Et tant pis si les questions fâchent un peu…

Mallet-Stevens, un « écoquartier » ?

Une rénovation d’une telle ampleur aurait pu être l’occasion d’en faire un écoquartier, en ajoutant aux rénovations énergétiques d’autres questions d’intégration dans la ville comme la participation des résident·e·s, la desserte en transport en commun, le stationnement vélo, la gestion des déchets, la place de la voiture, de commerces, de la végétation, etc.

Ne pas augmenter le stationnement des voitures, ou améliorer les conditions d’usage et de stationnement du vélo sont des politiques qui seraient cohérentes entre elles, les bus étant gratuits. Ne serait-ce que pour rationaliser aussi l’utilisation des deniers publics.

Photo 2 : Un îlot d’habitation plutôt verdoyant et arboré

Rénovation énergétique

C’est évidemment le gros morceau du chantier.

Alimentation en chauffage : L’îlot de 132 logements est partiellement alimenté par le réseau de chaleur du Beau-Marais. Certaines tours sont alimentées par des chaudières locales qui seront remplacées par de plus performantes. Il nous semble que le raccord complet au réseau de chaleur eût été plus performant et moins onéreux sur le long terme.

Notre interrogation s’est trouvée légitimée lors d’un échange postérieur avec un ancien responsable local de la rénovation énergétique qui s’étonnait que, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, on n’ait pas profité de cette rénovation pour raccorder la totalité de l’îlot Mallet-Stevens au réseau de chaleur collectif du Beau-Marais, puisqu’une partie l’est déjà. Il s’inquiétait du coup qu’on ait encore préféré  installer des chaudières individuelles, pour lui potentiellement plus dangereuses, nécessitant plus d’entretien, et d’un coût global de consommation supérieure. « La région n’a pas insisté, il y a pourtant des crédits… » avait-il dit.

Toitures végétalisées : le visuel donné à la presse (photo 5) montre de nouveaux boxes de stationnement à toitures végétalisées. Mais ce n’est pas prévu pour les bâtiments principaux, aux toitures pourtant plates et a priori accessibles.

Panneaux solaires sur les toits : des études viennent de se terminer qui prévoient la mise en place de panneaux solaires photovoltaïques sur certains bâtiments, une énergie qui pourra être partagée dans un second temps avec d’autres maisons ou bâtiments du quartier.

Ce qui aurait pu en faire un écoquartier

La société affirme que ses chantiers ont tous une dimension durable, dans les opérations comme dans les matériaux. D’autant plus dommage de ne pas avoir approfondi la démarche jusqu’à faire de cet îlot un écoquartier exemplaire avec une attention particulière sur ce qui suit.

Participation des locataires à la conception du projet de réhabilitation

Ils et elles ne sont pas consulté·e·s spécifiquement en amont de cette rénovation d’ampleur. Pas d’enquête ni de réunion publique. Terre d’Opale Habitat s’appuie d’abord sur les remontées et les réclamations des résident·e·s.

Pour les 4C, une implication, une participation des locataires pourrait permettre de répertorier des problèmes ou des besoins non identifiés. Cela pourrait aussi permettre à Terre d’Opale Habitat de mieux partager sa politique.

Place du vélo

Il ne se profile pas de mesures particulières sur cette question. On nous assure qu’il y a des garages intérieurs (à voir leur état et leur fonctionnalité réels), mais pas d’autres garages prévus ni même en extérieur. Nous proposons à plusieurs reprises à Terre d’Opale Habitat, s’il en est encore temps, de candidater au programme européen Alvéole qui permet aux bailleurs sociaux de faire financer des garages à vélos sécurisés accompagnés d’un parcours pédagogique destiné à encourager la pratique « vélo » des locataires.

Photo 3 : Des financements européens existent pour les garages à vélos

Plus de parkings et moins de végétal, l’inverse de ce qu’il faudrait faire

La discussion s’est un peu plus tendue. La destruction de l’ancien parking collectif, silo couvert (2 niveaux, un intérieur, un extérieur) nous apparaît comme une erreur sur le plan écologique, mais pour Terre d’Opale Habitat, il était en mauvais état (infiltrations).

Photo 4A : Le parking silo sur deux niveaux a été détruit

L’augmentation de la capacité de stationnement, comme souvent, relève plus d’une croyance que d’une nécessité. Les photos aériennes le montrent. On aurait sans doute pu réhabiliter ce parking, voire le reconstruire, cela aurait permis de moins artificialiser le sol et donc de préserver, voire d’étendre le végétal existant.

Les parkings sont la plus mauvaise utilisation du sol qui soit : usage unique, surface nécessaire importante, faible occupation, coût astronomique… en plus d’un mauvais signal facilitant toujours plus l’utilisation de la voiture. L’optimisation de l’occupation du sol devrait dès maintenant, être une règle de base.

Photo 4B : Le parking silo était bien intégré au paysage

Bétonisation : plus de 2000 m² de verdure transformés en parkings !

Conséquence immédiate de la destruction de ce parking en silo (au moins 160 places) : plus de 2000 mètres carrés de verdure (photo 6) seront bétonnés, pour évidemment augmenter globalement l’offre (164 places pour 132 logements). La bétonisation s’aggrave donc au détriment du végétal, qui donnait pourtant un cadre agréable à cet ensemble.

Photo 5 : Le visuel du projet : quelques garages aux toitures végétales en guise de greenwashing pour masquer la bétonisation
Photo 6 : Évaluation de la surface bétonnée, arbres sacrifiés

Une vingtaine d’arbres déjà détruits : le discours s’est vu rassurant pour les arbres quarantenaires existants de cet îlot (139, plusieurs essences). Près de 25 ont néanmoins été détruits.

Photo 7 : Ces arbres ont été détruits

Un lieu de respiration qui disparaît : Des arbres qui stockent le CO2 comme on le sait, et qui agrémentent les lieux au point que les habitant·e·s allaient pique-niquer dessous l’été. Conserver et développer des îlots de fraîcheur deviendra vite, même en nos régions, une exigence climatique. La question du devenir global de la végétation actuelle de l’îlot nous semble posée.

Photo 8 : D’autres jeunes arbres disparus

Inondations futures

L’imperméabilisation des sols aggrave le risque d’inondation. C’est pourtant un fait. Le Calaisis est très menacé, on le sait. Une préoccupation lointaine pour Terre d’Opale Habitat, qui devrait pourtant être intégrée dès à présent dans chaque projet urbain. Mais on ne parle sans doute pas des mêmes inondations, car la réponse fut technique : « Les voiries sont drainées et équipées » ! Nous ne sommes pas convaincus.

Services et commerces aux bas des immeubles : notre question n’a pas été bien comprise. Terre d’Opale Habitat assure que des services sont parfois offerts. Nous parlions de commerces, qui permettent de limiter les déplacements.

Budget : les 2 millions d’euros utilisés pour les parkings auraient pu être économisés !

En effet, sur les 11 millions d’euros de budget annoncés, la part consacrée aux bâtiments d’habitation (logements + communs + façades) tourne autour de 9 millions, et celle réservée à l’extérieur de 2 M€ (parking + re-végétalisation éventuelle).

Impact environnemental : Pas d’indicateur chiffré, ni d’enquête générale qui permettrait après les travaux de visualiser l’impact positif généré sur la réduction des Gaz à Effet de Serre. Seules les remontées de consommation des locataires feront foi.

Photo 9 : Le chantier au 7 décembre : table rase du parking silo et des arbres alentour

Bilan de l’association : Hormis sur l’isolation thermique et l’installation de panneaux solaires, l’implication dans la lutte contre le changement climatique n’est pas vraiment anticipée ni vue dans sa globalité, on reste sur  du ponctuel, a minima des exigences techniques légales. La question majeure de l’artificialisation des sols (place du végétal fixateur de CO2, augmentation des parkings…) va à l’encontre des préconisations des Plans Climat, et c’est préoccupant dans un polder submersible comme celui où nous vivons.

En prévision des évolutions climatiques, avoir la double préoccupation d’augmenter la place du végétal en diminuant la bétonisation, en optimisant au mieux les zones déjà artificialisées devrait être une motivation automatique des décideurs, des décideuses, des aménageurs et des aménageuses dans chaque projet d’aménagement urbain. Cet exemple montre que ce n’est pas encore le cas. Tout se passe comme si le territoire était bétonnable à l’infini.